Portrait de Jérome et Anthony Massat, la passion du hand de père en fils.

Jérome et Anthony Massat, père et fils, ont arbitré ensemble pendant quelques années après avoir été joueurs et entraineur ; une passion commune pour le Hand quel que soit la fonction. Nous les avions rencontrés à Bordeaux pour qu’ils évoquent leur sport.

 

Quel est votre parcours ?

Jerome (le père) : j’ai été joueur jusqu’en national 2, puis je suis devenu entraineur et j’ai fait des formations jusqu’au niveau région. Je suis arrivé à l’arbitrage avec mon fils Anthony, qui après une blessure m’a proposé de faire la formation avec lui.

Anthony (le fils) : A 15 ans, je jouais en départemental, mais je me suis blessé au niveau du genou (ligaments croisés), et j’ai été obligé d’arrêter 1 an et demi. j’ai repris l’année de terminale, avec mon père entraineur, mais l’année suivante avec le manque de temps en prépa, je me suis dit que l’arbitrage pouvait être bien pour changer de regard sur mon sport, et j’avais des copains qui arbitraient, donc j’avais envie de voir.

Comme il manque des arbitres dans les clubs, j’ai été très vite accompagné et encouragé. J’ai embarqué mon pére avec moi qui avait aussi envie de voir une autre facette du sport, après avoir été joueur et entraineur.

Jérome : On a tout de suite eu envie de faire un truc ensemble, et ça tombait bien. Ca le rassurait aussi d’arbitrer avec moi je pense. C’est vraiment parce qu’on était ensemble qu’on y a été, et moi j’arrivais à la quarantaine, et j’avais aussi envie d’une coupure, d’avoir moins d’obligation.

Anthony : On a fait 6 mois en départemental et comme on marchait bien, on est monté en régional. On a toujours gardé notre esprit de compétiteurs. Après, on avait une limite, parce que bien sur, les binômes de jeunes sont plus recherchés pour les faire progresser.

Jérome : j’ai repris mon poste d’entraineur depuis 1 an maintenant, et anthony arbitre seul en Ile de France. Ca a été une vraie expérience, parce que sur la région bordelaise, nous arbitrions souvent des clubs que l’on connaissait.

 

Qu’est ce que cela donne un binôme père-fils ?

Anthony : On a la même vision du hand, on regarde les mêmes matchs, on en discute, et on vit le hand ensemble depuis toujours. Sur un match, les joueurs viennent me tester parce que je suis le plus jeune, plutôt que mon père, mais comme nous connaissons bien le jeu, ils comprenaient vite que nous n’étions pas novice dans le Hand. Mon père est plus strict, peut être du fait qu’il ai été entraineur, moi je suis plus zen, dans ma bulle, et les remarques ne m’atteignent pas.

Jérome : Avec Anthony, on gère les matchs totalement différemment, je suis plus sanguin alors qu’il prend plus sur lui, nous sommes complémentaires. Les joueurs comprenaient vite que Anthony maitrisait le jeu et l’arbitrage donc passées les premières remarquent, ils se calmaient. C’est un vrai atout d’avoir été joueur et entraineur, vous avez vécu déjà pas mal de situations.

 

Comment se sont passés vos premiers matchs ?

Anthony : Notre premier match était un match féminin à Cestas, mais ne nous a pas laissé un réel souvenir, par contre,  nous avons vécu ensuite un match à Mont-de-Marsan, en régional avec des Bandas dans les tribunes et une ambiance de fou. C ‘était un peu compliqué à gérer à cause du bruit, et de la pression des tribunes, mais après le premier coup de sifflet, on était dans le match.

Jérome : je me souviens justement qu’a Mont-de-Marsan, j’avais arrêté de match pour calmer les joueurs et les entraîneurs, parce que c’était vraiment vivant !

 

Est-ce que c’’est compliqué d’arbitrer dans sa région après avoir été joueur / entraineur ?

Jérome : On connaît les coachs de sa région, et on sait comment ils sont, donc c’est un avantage, après certains essayent d’en profiter, mais c’est normal, et ils comprennent vite que ca ne va rien changer.

Anthony : Dans la région bordelaise, je trouve cela plus compliqué qu’à Nantes par exemple, parce que c’est une vraie région de Hand, donc il y a beaucoup de rivalité, et beaucoup de derby ! Il y a aussi beaucoup de joueurs qui arbitrent, donc les premières minutes, tout les joueurs viennent à toi pour discuter et « t’expliquer » les règles !

 

Avez-vous un pire souvenir ? 

Jérome : un match en Dordogne, où on nous avait dit que le match « aller » avait été compliqué, donc on savait que ca allait être dur, et on y est allé avec des appréhensions.

Anthony : En plus on était supervisé sur ce match, et dès le début ca a été tendu, et très froid entre les équipes, alors que sportivement, ils étaient en milieu de tableau, donc sans enjeu. On a mis un rouge très rapidement, et çà partir de là, ca a été long !

Jérome : je crois qu’on a mis 3 ou 4 rouges sur ce match, c’est compliqué ce genre d’ambiance, les minutes sont longues.

Anthony : On sentait qu’il y avait un truc profond, et le superviseur nous a dit après match que c’était de toute façon ingérable.

 

Comment cela se passe-t-il désormais pour toi Anthony (Jerome a arrêté l’arbitrage) ?

Anthony : J’ai fait des derby à Nantes en début d’année, en binôme, niveau Elite en championnat de France, et c’était vraiment top, mais avec mes études et les déplacements pour les stages notamment, ce n’est pas évident de garder un binôme, et de progresser ensemble. Il faut une complicité, qui se créée avec le temps.

L’arbitrage est un apprentissage permanent, soit tu apprends de tes matchs, de tes erreurs, de ta gestion, soit c’est toi qui apprends aux joueurs et entraineurs leurs règles. On est sur le même terrain, on joue ensemble.

Jérome : c’est souvent le soucis des arbitres de hand, d’avoir un binôme sur la longueurs et c’est la seule façon de progresser et de gravir les échelons.

 

Comment progresses-tu Anthony ?

Anthony : Je m’entraine physiquement avec un programme « classique » de sport/cardio, et je travaille mes gestes, mes coups de sifflets, je regarde des matchs. Après, quand je suis en binôme, il faut aussi s’adapter, et apprendre à « s’entendre », donc on travaille plus sur la cohésion. Les gestes sont hypers importants, et je travaille vraiment dessus, parce qu’ils donnent une crédibilité dès le départ d’un match. La façon de parler, le niveau sonore, le moment, comptent énormément aussi, encore plus quand tu es jeune.

 

Comment voyez vous l’avenir ?

Anthony : Depuis janvier, j’arbitre aussi en Ile de France, seul, ce qui est très différent. On sait qu’on va faire des erreurs, car on ne peut pas tout voir, et certains en profitent. Je retourne à Nantes surement en septembre, donc si mon ancien binôme est disponible, je repartirai avec lui. Sinon, je continuerai à arbitrer là où je serai ! D’ailleurs, quand je reviens à Bordeaux, il m’arrive encore d’arbitrer en Week-end s’il manque un arbitre. Pour moi, l’arbitrage fera toujours partie de ma vie.

J’aimerais bien être superviseur aussi, parce que c’est super enrichissant de transmettre, et d’accompagner les jeunes. 

Jérome : Je ne sais pas si je reprendrais l’arbitrage un jour. Peut-être si Anthony revient dans la région, et qu’il n’a pas de binôme.

 

Quel est votre regard aujourd’hui sur l’arbitrage ? 

Anthony : Arbitrer est un vrai défi aujourd’hui, quel que soit ton âge, ton sexe, ton expérience. Le regard des entraineurs et du public est encore trop souvent négatif. Il y a beaucoup d’aprioris, parce que l’arbitre est trop jeune, parce que ce sont des femmes, parce qu’ils ne sont pas de la région, parce qu’ils sont arbitres et sans doute pas joueurs, ou juste parce que tu as mis 3 secondes de « trop » à siffler et que tout de suite cela signifie que tu n’es pas sur.  L’effet de masse en tribune compte aussi. Après, quand tu passes ce regard, c’est une super école et cela apporte enormément dans ta vie, aussi bien personnelle que professionnelle.

Jérome : Je pense qu’il faudrait des réunions dans tous les clubs entre les joueurs et les arbitres pour que chacun progresse ensemble, et que le regard change.

 

Justement, est-ce que l’arbitrage à changé votre vision de joueur ou d’entraineur ? 

Jérome : Honnêtement, cela n’a pas tellement changé mon regard. je râle encore en tant d’entraineur, alors même que je sais que l’arbitre fait de son mieux, mais quand je trouve qu’une erreur est trop grosse, je ne peux pas m’en empêcher.

Anthony : J’avoue que je suis capable de râler encore contre un arbitre, même si je comprend mieux ses raisons. C’est passionnel chez nous le hand ! A Nantes, j’ai arbitré une équipe dans laquelle il y avait des joueurs/arbitres, et ils n’arrêtaient pas non plus. Quand je regarde un match à la télévision par contre ou un match professionnel, je regarde beaucoup plus les placements de l’arbitre et sa façon de travailler.

 

Et dans votre vie personnelle ?

Anthony :A titre personnel, ça a été très positif, notamment pour la gestion des mes émotions, et ca m’a énormément aidé pour mes études, les concours, ou dans mes stages. Le fait de prendre des décisions sur un terrain en très peu de temps et de les assumer m’a énormément apporté. Je ne pensai pas que ça allait être aussi important dans ma vie.

Jérome : arbitrer t’oblige à t’adapter en permanence, à anticiper, à t’affirmer. l’arbitrage te permet aussi d’apprendre à écouter et à trouver des moyens de communication vis à vis des joueurs, des entraineurs, du grand public, à tout ton environnement.

 

Un grand MERCI à Jérome et Anthony Massat d’avoir participé à cet entretien et de s’être livrés sur leur passion.

 

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