L’exemple de Théo Collin, sourd et muet, actuellement arbitre en cours de formation

Sourd et muet, Théo Collin s’est pris d’amour pour le rugby au point de vouloir le pratiquer, puis de prendre le sifflet pour arbitrer. Son examen d’arbitre fédéral en poche, il est aujourd’hui, à 23 ans, un précurseur sur le pré. Les embûches ne l’ont pas arrêté mais le chemin est encore long.

Si Beethoven a réussi à écrire des chefs-d’œuvre de la musique classique tout en étant sourd, il n’y a pas de raison pour que Théo Collin, licencié au club d’Argentat (Corrèze), ne puisse pas arbitrer un match de rugby. Tels les virtuoses capables de reproduire une mélodie, voire une symphonie, en écoutant seulement la partition, Théo, jeune arbitre sourd profond, reproduit sur les terrains les performances de ses aînés scrutés à la vidéo. Son handicap n’est en rien un frein à sa passion ovale née au hasard de ses séances de visionnage télévisé. « Théo a commencé par le foot car nous sommes d’un milieu de footeux, mais à force de regarder le rugby à la télé, il nous a demandé d’y aller, confie Mireille Ducros, sa maman. À peine avait-il commencé à jouer qu’il a accroché. Il a évolué jusqu’en seniors, jusqu’à 19-20 ans, toujours à Argentat. Mais à force de regarder les matches à la télé, il est devenu très attentif aux règles. Il s’est alors occupé des jeunes à l’école de rugby du club, pour les encadrer, puis il a demandé à arbitrer. Il n’a plus jamais arrêté. »

Les obstacles semés sur la route de Théo par les aléas de la vie sont pourtant nombreux et difficiles à surmonter. Sourd profond, muet, Théo souffre également du syndrome d’Usher, une maladie congénitale rare qui associe surdité et cécité. « Ça l’empêche surtout d’évoluer dans un milieu baigné d’un éclairage artificiel, reprend sa maman. Ça lui coupe ses repères et ça le handicape fortement. » À tel point que ce titulaire d’un CAP pâtisserie n’a toujours pas pu faire son entrée dans la vie active. Armé d’une volonté sans faille, Théo poursuit néanmoins son objectif et sa passion en prouvant à tout le monde sur les plateaux U14, où il officie au sifflet, qu’il fait partie des meilleurs arbitres de sa région. Suffisamment pour surmonter la nouvelle embûche sur son chemin : il n’a pas de licence d’arbitre. Son président, Michel Coutin, s’ouvre alors de la problématique auprès du directeur départemental de l’arbitrage, José Fernandes.

Ce premier contact date d’avril 2018. « L’année dernière, on n’avait pas eu l’aval médical pour lancer le processus, explique José Fernandes. Mais nous avons réussi à l’obtenir il y a quelques semaines. Donc le club d’Argentat lui a fait une licence d’arbitre et je lui ai fait passer l’examen d’Arbitre en Cours de Formation (ACF)* le 9 décembre dernier. Théo a obtenu une note de 14,25 sur 20 ! L’animateur du groupe du secteur d’arbitres de Tulle ainsi que sa maman ont réussi à lui expliquer correctement les questions de l’examen qu’il n’arrivait pas à comprendre. Ses seules références arbitrales proviennent des matches qu’il regarde en vidéo ou à la télé. Et le résultat est plus que concluant. Désormais, il peut arbitrer de façon officielle sur les plateaux U14. Pour l’instant, on tâtonne et on essaie de trouver la meilleure solution pour sa formation. »

Une analyse partagée par Philippe Marguin, responsable de la formation à la DNA : « Jusqu’à maintenant, on lui disait qu’il ne lui était pas possible de devenir arbitre officiel. Mais on s’est battus pour qu’il soit arbitre fédéral. Il a passé son examen d’ACF. Il va ainsi pouvoir bientôt passer son examen d’arbitre stagiaire. » Mais le travail est encore long et la méthodologie expérimentale. « Chaque fois qu’il y aura un plateau de U14, un arbitre de son secteur sera avec lui sur le terrain, mais uniquement en tant qu’accompagnant, pas pour un arbitrage à deux », précisent en chœur Philippe Marguin et José Fernandes.

Et sur le terrain, comment cela se passe-t-il concrètement ? « Il se fait drôlement respecter, tonne Mireille, sa mère. C’est quelque chose d’impressionnant. Quand le joueur n’a pas compris, il lui explique avec la gestuelle arbitrale du rugby et justifie son intervention. » Son président est, lui, encore plus convaincu : « À cause, ou plutôt grâce à son handicap, les gens sont très respectueux envers son arbitrage, et cela donne des matches de très bonne facture, dans le respect des partenaires et de l’adversaire. » De quoi couper le sifflet aux idées reçues.

* Test de connaissances destiné à valider l’aptitude des arbitres débutants à l’issue de la formation de base à partir des documents remis au moment de l’accueil du candidat arbitre et constitué de questions à choix multiple. La note requise doit être supérieure à 10/20

 

© Source FFR

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