Anthony : Arbitre de rugby et infirmier

Quel est votre métier ?

Je suis infirmier depuis maintenant bientôt quatre ans. J’ai commencé mon cursus professionnel dans l’Aveyron, dont je suis originaire. J’ai côtoyé essentiellement des services d’urgences, de soins de réanimation et j’ai fini en salle de réveil, au bloc opératoire. Depuis trois mois, je travaille près de Cannes dans une structure d’urgences privée avec une activité libérale

Pouvez-vous présenter votre parcours d’arbitre ?

Actuellement, je fais ma dixième saison d’arbitrage, j’ai commencé à l’âge de 15 ans. J’ai commencé le rugby en tant que joueur à 12 ou 13 ans. En catégorie minimes, on faisait des tournois à trois équipes et il fallait que l’équipe qui ne jouait pas fournisse un arbitre pour diriger la rencontre des deux autres équipes. Spontanément, j’ai voulu le faire : une fois, puis deux, puis finalement j’arbitrais tous les week-ends. Quand je suis arrivé à l’âge légal pour pouvoir prendre une licence, on m’a sollicité pour que j’officialise tout ça. Quand j’ai eu l’âge requis, on m’a demandé de faire un choix, pour optimiser au maximum ce que je faisais. Quand on allait arbitrer, on était pas avec ses copains d’école, de l’équipe. Pour pouvoir avoir un maximum d’expérience et gravir les échelons plus vite, je me suis consacré totalement à l’arbitrage. J’ai découvert une passion et c’était un plaisir d’aller le week-end arbitrer. Aujourd’hui, j’arbitre en fédérale 1 (j’ai été promu cette saison).

Est-ce qu’il y a des similitudes entre vos deux activités ?

Oui, complétement et c’est même une question qui m’a été posée lors de mon concours d’entrée à l’école d’infirmier. Il y a des similitudes, déjà parce que je travaille dans un service d’urgences : on doit rapidement analyser des situations cliniques et prendre des décisions rapidement puisque tout va s’organiser en fonction des décisions que l’on va prendre pour la prise en charge du patient. C’est quelque chose que l’on retrouve dans l’arbitrage puisque l’on est confronté à des situations qui vont très vite, notamment sur le jeu au sol : il nous faut une capacité d’analyse rapide et efficace pour prendre la bonne décision. Il y a une autre similitude : avoir du self-control. Au rugby, on est amené à gérer des situations de conflit : le rugby est un sport de combat donc on peut générer de la frustration, il faut donc apprendre à rester calme pour pouvoir paraître plus confiant dans ses décisions. C’est pareil au niveau du soin puisque l’on ne peut pas se permettre, par exemple sur un patient désagréable, de l’être nous aussi. Il faut aussi avoir une maîtrise de soi-même, qui est importante

Est-ce-que votre pratique de l’arbitrage vous aide dans votre métier au quotidien ?

Oui tout à fait. Déjà, comme je viens de vous l’expliquer, ce que j’acquiers en semaine et le week-end, c’est des compétences que je mets en œuvre soit dans la prise en charge des patients, soit en arbitrant. Il y a aussi autre chose qui m’aide : le rugby (et le sport en général) est un vecteur de relations sociales. Quand les patients m’entendent avec mon accent du Sud-Ouest, ils me parlent de rugby. C’est vrai que le rugby, lors d’un soin, me permet d’avoir une relation sociale avec le patient. La prise en charge psychosociale d’un patient est aussi importante que le soin en lui-même. Du coup, le fait de tisser des liens par le fait du rugby (et donc de l’arbitrage, ma passion) m’aide beaucoup. C’est des choses qui m’ont permis de m’intégrer dans beaucoup de domaines.

Comment parvenez-vous à concilier vos deux activités, qui nécessitent beaucoup d’engagement, avec votre vie personnelle et familiale ?

J’ai fait des choix d’orientation de services. Quand on est infirmier, on est amené à travailler beaucoup le week-end, au moins un week-end sur deux. Cela aurait été défavorable à mon activité d’arbitre. Du coup, j’ai dû premièrement choisir un service qui ne demandait pas de travailler le week-end ou bien où les week-ends étaient sous forme d’astreinte. C’est pour cela que je me suis rapproché des blocs opératoires. Ensuite, quand je suis parti de ma région natale, j’ai choisi le système de travail des vacations : j’étais libre et je fournissais des dates aux structures pour qu’ils m’utilisent sur des dates que je leur donnais. Grâce à cela, je dégageais beaucoup de temps pour le week-end. En contrepartie, les semaines étaient très chargées : il faut travailler, s’entraîner physiquement, passer beaucoup de temps sur la vidéo. Finalement, il y a des sacrifices sur son temps personnel, le soir ou alors très tôt le matin. Il ne faut pas hésiter à sacrifier du temps dès que l’on peut.

En tant qu’arbitre, dans un contexte où le respect des règles est particulièrement important, auriez-vous un message à faire passer ?

Plus que jamais, je crois qu’il faut respecter les consignes de sécurité. J’ai une petite métaphore : le carton rouge dans la crise sanitaire peut coûter très cher malheureusement. Pour éviter d’en arriver là, il faut plus que jamais respecter les consignes qui sont faites par le gouvernement, par les soignants, de façon à ce que l’on puisse aider au maximum la population et que l’on aggrave pas cette crise.
J’ai un autre message à faire passer. Une fois que l’on sera sorti de toute cette crise, la vie va reprendre son cour et j’encourage fortement les gens qui sont intéressés par le rugby, qui ont peut-être une tendance à s’intéresser à l’arbitrage, à soumettre leur candidature à jeveuxarbitrer@ffr.fr. L’arbitrage, c’est une grande famille, on passe de très bons moments. Au-delà de l’aspect un petit peu « gendarme », on passe de très bons moments, on a de très bonnes relations avec les joueurs, les entraîneurs, les staffs techniques. C’est d’autant plus intéressant de rejoindre cette famille du rugby par l’arbitrage.

La mission de service public est un dénominateur commun entre votre activité professionnelle de soignant et votre fonction arbitrale, est-ce important pour vous et pourquoi ?

Bien sûr que c’est important. Dans une mission de service public, il y a le rendre service. C’est ce que je fais quotidiennement, en tant qu’infirmier, pour améliorer l’état de santé des patients. Quand je suis sur un terrain de rugby, je rends service au jeu, au sport. C’est important de respecter les valeurs auxquelles on souscrit, entre guillemets, quand on se lance dans une carrière de soignant ou d’arbitre. Ces valeurs, on les connait avant et c’est même pour cela qu’on y adhère, que l’on rejoint ces institutions.
Aujourd’hui, dans la grand famille qu’est l’arbitrage, je ne suis pas le seul arbitre / infirmier, médecin, ambulancier, enseignant ou tout autre profession œuvrant dans la lutte du COVID ou dans l’amélioration des conditions de travail des professionnels de santé, et j’en profite du coup pour les remercier et leur adresser mes encouragements.

 

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